Joue-la comme Zidane

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Nasser Zidane est aujourd’hui conseiller en formation continue au sein du GRETA Lorraine Nord, en charge des secteurs de l’hôtellerie-restauration, du tertiaire et du commerce vente. Intervenant régulièrement à ce titre au sein de notre établissement, il a gentiment accepté notre invitation à un entretien à découvrir ci-contre…

– Bonjour Nasser, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Alors je m’appelle Nasser Zidane, je vais avoir 51 ans au mois de décembre. Je suis originaire de Moselle – précisément d’Uckange – ou la « vallée des anges » (rires). Je suis pacsé et j’ai deux enfants.

Le haut-fourneau U4 devenu le symbole d’Uckange et de la « Fensch Vallée »

– Quelle a été ta formation ?

J’ai d’abord effectué mes études secondaires au Lycée Saint-Exupéry de Fameck en y passant en 1992 un baccalauréat G3 Techniques commerciales devenu après 1994 le bac STT Action et communication commerciale. C’était le fameux « bac poubelle » chanté par Michel Sardou qui avait fait polémique à l’époque, parce que peu valorisé et destiné avant tout à un public en échec scolaire… L’histoire a prouvé le contraire dans mon cas.

Ensuite, je suis parti à l’université de Nancy pour y poursuivre des études d’AES (administration économique et sociale) à la faculté de droit et sciences économiques où j’ai obtenu une maîtrise d’AES. Je dois avouer ici avoir exercé à cette époque-là une multitude de petits boulots pour financer mes études (nettoyage industriel, déménageur, aide-électricien, aide-mécanicien, employé en libre-service, pontier à l’usine, veilleur de nuit et même agent de sécurité dans la grande distribution !).

– C’est tout (rires) !?

Non, j’ai fini par devenir maître d’internat…

– Et puis…

Cela a été le point de départ de la suite…

– C’est-à-dire… Explique-nous…

En fait, à cette époque, je me cherchais un peu, du point de vue de mon devenir professionnel.

D’un côté, j’étais en poste dans un internat où il y avait un temps destiné à l’étude, à l’aide aux devoirs et au soutien scolaire des lycéens… J’aimais beaucoup m’investir dans cette activité pour les jeunes.

De l’autre côté – de par la formation universitaire dans laquelle je m’étais engagé – j’étais prédestiné à passer les concours administratifs comme ceux de l’IRA (institut régional d’administration) ou de l’ENA (école nationale de l’administration) mais au final, tout cela ne me plaisait pas franchement. Et comme j’étais « formaté » à préparer des concours, je me suis dit que quitte à passer des concours, autant passer ceux de l’enseignement et de l’Éducation nationale…

– Ce que tu as fini par réaliser…

Je ne pouvais pas passer le concours du CAPET (1) à cause d’une épreuve qui – quoi qu’il arrivât – m’aurait vraiment « mis dans le rouge » à savoir, l’anglais ; une matière où je ne brillais pas vraiment (rires) ! Je me suis donc orienté vers le CAPLP2 (2) Économie-Gestion option Commerce-Vente avec un aspect professionnel plus pratique… Je me disais que cela me permettrait de rallier l’aspect théorique à l’aspect pratique en entreprise. Il s’en est suivi la traditionnelle année d’IUFM (3) en tant que professeur-stagiaire au Lycée Romain Rolland de Creutzwald (Moselle-Est), un établissement détruit en 2018. J’ai ensuite été nommé à Sainte-Menehould au lycée professionnel de l’Argonne où je suis resté deux années pour être affecté ensuite au Lycée Jean-Marc Reiser de Longlaville, dans le nord de l’académie !

– Mais oui, je m’en souviens très bien… Le Lycée Reiser…

C’est au Lycée Reiser que j’ai pu faire mes premières armes au GRETA où j’ai découvert la formation continue, en parallèle avec la formation initiale. Ce qui m’a plu dans la formation continue, c’est qu’il s’agissait le plus souvent d’actions courtes avec un public ayant un besoin immédiat d’insertion professionnelle. Et de fait, la motivation des stagiaires était différente puisque certains mettaient un peu entre parenthèses leur vie familiale avec un engagement très fort pour eux.

– Mais te voilà aujourd’hui conseiller en formation continue…

Au bout de vingt ans d’enseignement, on se pose la question de ce que l’on pourrait faire d’autre sur ses perspectives de carrière ! Qu’est-ce qui s’offre à un enseignant ? Alors c’est une rencontre… celle avec Francis Bressan, un conseiller en formation continue qui m’a orienté vers ce type d’emploi. Et un jour, je lui ai demandé un entretien au cours duquel il m’a parlé de son travail ! Il s’avère qu’un poste se libérait justement en 2021 ! En tant que « serviteur du public », je voulais occuper un poste différent mais toujours en lien avec l’éducation et la formation. Aujourd’hui, je reste persuadé que l’on devrait avoir plusieurs carrières professionnelles, notamment pour son épanouissement professionnel et personnel…

– En quoi consiste précisément ton travail de conseiller en formation continue ?

L’objectif global du GRETA est le développement d’actions de formation à destination des demandeurs d’emploi, des salariés, des entreprises. À cet effet, le GRETA a pour mission de développer quatre champs d’actions ; en formation continue, en apprentissage, l’élaboration de bilans de compétences et la préparation des candidats à la VAE (validation des acquis de l’expérience). J’interviens dans ces quatre activités. Après, il va y avoir tout le domaine des ressources humaines, avec un aspect managérial. Pour filer un peu une métaphore musicale, c’est comme si je préparais les partitions derrière un rideau… J’en écris la musique et c’est ensuite qu’il faut aboutir à un concert (rires) ! Mes musiciens sont les assistantes, les coordinateurs, les formateurs, tandis que le public, ce sont les stagiaires, les prescripteurs comme France Travail, Cap Emploi, la Mission locale, l’E2C (école de la deuxième chance), le département de la Meurthe-et-Moselle, la région Grand Est ou encore les associations. En fait, il y a énormément de partenaires comme les entreprises, les EPLE (établissements publics locaux d’enseignement). Je m’occupe d’ingénierie de formation, en relation avec les partenaires extérieurs, je donne des conseils d’actions et de perspectives de développement et je mène la conduite d’actions et de dispositifs.

– En quoi ton travail est-il intéressant ?

Eh bien il est intéressant à plus d’un titre… Tout d’abord, il y a un impact sur les apprenants. La satisfaction de voir progresser ces personnes, acquérir de nouvelles compétences et atteindre leurs objectifs professionnels est une grande source de motivation.

Ensuite, du point de vue de mon développement professionnel, cela me donne l’opportunité de travailler dans un domaine en constante évolution et de me tenir à jour avec les nouvelles tendances et pratiques en formation.

Il y a aussi la diversité des tâches à accomplir… J’ai des responsabilités variées, telles que l’évaluation des besoins de formation, la conception de programmes, l’animation de sessions de formation et l’accompagnement des apprenants qui rendent le travail dynamique et stimulant.

Il y a également tout le volet « interaction humaine ». Le contact régulier avec les apprenants, les entreprises et les autres formateurs permet de créer des relations enrichissantes et de partager des expériences.

Mon activité permet quelque part de contribuer à l’économie locale… En aidant les individus à améliorer leurs compétences, les conseillers en formation continue contribuent au développement de la main-d’œuvre locale et, par extension, à la croissance économique.

Enfin, il y a une reconnaissance professionnelle. Les réussites des apprenants et les retours positifs des employeurs apportent une reconnaissance gratifiante pour le travail accompli.

– Est-ce que tu regrettes quelques fois de ne plus enseigner ?

Ah oui ! Tout à fait ! Il est vrai que lorsque j’organise des réunions d’informations collectives, je m’applique toujours dans les présentations des formations, « en mode enseignant » avec par exemple l’élaboration d’un diaporama ! Je m’assure que les gens ont bien compris, etc. J’élabore également des tests de positionnement et c’est moi qui les corrige ! Je prévois même une grille d’évaluations et je mets aussi une note – des réflexes qui ne se perdent pas ! (rires) – en fonction des prérequis exigés par le diplôme ! Lorsqu’il y a des appels d’offres, je vais travailler sur l’ingénierie pédagogique et sur la lecture des référentiels des différents diplômes, avec une réflexion sur la SGF (stratégie globale de formation). Il faut rajouter que les stagiaires de la formation continue ont pour chacune de leurs matières des notes avec des bulletins, comme en formation initiale. À ce sujet, j’organise et j’anime d’ailleurs les conseils de classe deux fois par an. Je travaille par ailleurs en étroite collaboration avec le Lycée Darche et le Lycée Reiser et j’ai des contacts réguliers avec mes anciens collègues.

– As-tu des hobbies ?

Oui ! Plusieurs ! D’abord le sport… J’ai pratiqué le karaté et plus tard, le fitness et la course à pied, avec un esprit compétitif. J’avais mes programmes de PPG (préparation physique générale), de VMA (vitesse maximale aérobie) et de course longue. J’étais descendu sous la barre des 40 minutes au 10 km, avec un 38 minutes à Conflans-en-Jarnisy ! Avant de me blesser au tendon d’Achille ! Mais je continue néanmoins !

Et puis la musique ! Je suis tombé amoureux des instruments à partir du collège, grâce aux cours de flûte (rires) !

– Explique-nous un peu ça…

Il se trouve que je pense avoir une oreille musicale assez développée. Au collège, je sortais constamment ma flûte en dehors du cours de musique et je jouais régulièrement des airs comme « la Marseillaise », ou bien le thème du film La Soupe aux choux (1981), de Jean Girault. De fait, je me faisais remarquer et confisquer régulièrement ma flûte par les surveillants de la Vie scolaire !

L’objet du délit © Crédits photo Nasser Zidane

Au lycée, j’ai très vite adhéré au club guitare et j’ai acheté ma première guitare classique pour la modique somme de 30 francs !

Depuis cette époque, je n’ai jamais arrêté les guitares classique et électrique. Je compose également des morceaux !

Je suis aussi pianiste et je n’ai pas arrêté ! Je joue également de la batterie, de l’harmonica et de la basse !

– Qu’est-ce que le fait de jouer de la musique t’apporte ?

Cela m’apaise, me permet d’exprimer mes sentiments, de me connecter à moi-même, cela m’apporte un bien-être, un peu comme après une séance de jogging, avec la libération des endorphines !

Pacific Blue © Crédits photo Nasser Zidane

Il se trouve que j’ai aussi un « partenaire de sport » ! Un chien husky sibérien (son nom : Pacific Blue) qui a un grand besoin de se dépenser et qui m’accompagne à vélo ou à pied lors de mes sorties au grand air. Ce chien me fait penser un peu à moi, au niveau du caractère ! Un Capricorne très calme mais bouillonnant à l’intérieur !

– Aurais-tu un livre ou des livres à nous conseiller ?

J’aime les biographies et les livres d’aventures. J’ai lu tous les livres de l’aventurier Mike Horn, en particulier Latitude zéro, dans lequel il raconte son fameux tour du monde de 40 000 km en suivant la ligne de l’équateur, toujours à moins de 40 km de celle-ci ! J’aime beaucoup sa devise : « Explorer, apprendre, agir ».

– Un grand merci pour ton témoignage, Nasser ! Un joyeux anniversaire à toi ! Et je te souhaite « bon vent » pour la suite !

Notes :

1) CAPET : Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Technique

2) CAPLP2 : Certificat d’Aptitude au Professorat de Lycée Professionnel 2

3) IUFM : Instituts Universitaires de Formation des Maîtres, créés en 1990, remplacés en 2013 par les ESPE (Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation) puis par les INSPE (Instituts Nationaux Supérieurs du Professorat et de l’Éducation).

Photographies et visuels Internet

Entretien préparé et propos recueillis

par Jean-Raphaël Weber

Novembre 2024