Le chef Pichelin parti vers d’autres fourneaux

Temps de lecture : 9 mn

À l’occasion du pot de fin d’année du 4 juillet dernier, Olivier Pichelin professeur d’Organisation et Production Culinaire au Lycée Darche entre septembre 2013 et juin 2024 a fait ses adieux à l’ensemble du personnel de l’établissement. L’homme s’en est allé pour d’autres aventures culinaires, au Lycée Raymond Mondon de Metz. L’occasion pour nous d’exhumer son interview accordée alors au journal lycéen Mes mots Darche en avril 2014 dans le numéro 14. C’était il y a déjà dix ans ! Un entretien très intéressant dans lequel l’enseignant se présentait et racontait son parcours professionnel déjà très riche. On trouvera ensuite l’hommage rendu par Estelle Pazzaglia DDFPT du Lycée Darche pour saluer son investissement dans notre école…

Sollicité un matin de mars dans la salle des profs, Olivier Pichelin, professeur de cuisine dans l’établissement depuis la rentrée de septembre 2013, a accepté de répondre au pied levé aux questions de la rédaction de MMD. Cette rencontre nous livre une situation professionnelle originale à découvrir ci-dessous…

– Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?

Je suis un ancien élève du lycée Darche ayant quitté l’établissement en 1992, avec un Bac Pro Cuisine en poche. J’exerce mon métier depuis vingt ans en tant que chef de cuisine, au Palais du Gouverneur de Metz. Il s’agit de la résidence du Général Gouverneur Militaire commandant la région militaire Nord-Est du pays. C’est un général 4 étoiles (de corps d’armée), le représentant de toutes les forces militaires basées dans le Nord-Est de la France. Cette résidence sert entre autres à accueillir les autorités civiles et militaires de la région. J’ai deux enfants et j’habite dans la région de Metz.

Le beau Palais du Gouverneur à Metz

– Comment se fait-il que vous soyez enseignant ici, alors que vous exercez déjà une activité professionnelle très prenante par ailleurs ?

J’ai passé un BTS option Arts culinaires de la table en VAE (Validation des Acquis et de l’Expérience) et j’ai été reçu l’an dernier. Je savais que ce mode de fonctionnement existait et mon employeur ; le ministère de la Défense n’était pas contre ce « double emploi », étant donnée la situation actuelle de restructuration du secteur public français. Connaissant un peu Madame Pazzaglia et le fait qu’elle recherchait un enseignant pour cette année scolaire, la chose s’est faite naturellement et cette solution de m’engager a finalement été retenue.

– Vous avez déclaré être parti du Lycée Darche en 1992… Comment avez-vous trouvé les changements opérés dans cet établissement depuis cette année-là ?

J’ai d’abord été très surpris de retrouver quelques enseignants que j’avais eus, même si j’avais déjà revu l’un d’entre eux (le chef Ladaique retrouvé lors de repas pris au restaurant d’application). J’ai pu remarquer des changements ostentatoires du point de vue architectural (le bâtiment administratif, le « nouveau » Foyer, le préau). En ce qui concerne l’intérieur des locaux, mis à part des aménagements intervenus dans le sous-sol et au premier étage du bâtiment principal, le second étage n’a pas beaucoup changé : les huisseries et les décorations sur les murs n’ont pas changé !

Le bâtiment de l’administration au milieu du parc arboré du lycée

– Selon vous, quels sont les changements intervenus dans la façon d’apprendre, dans les relations enseignants/élèves, par rapport à l’époque où vous étiez lycéen ?

En l’espace de vingt ans, j’ai pu constater d’énormes bouleversements… Ainsi, j’ai l’impression que l’on est passé d’un apprentissage de type « bourrage de crâne » à une volonté de mise en situation réelle. Aujourd’hui, on attend de l’élève qu’il puisse s’autogérer, s’intégrer dans un milieu professionnel de façon plus autonome qu’avant. Auparavant, le fameux « bourrage de crâne » était une sorte de « formatage » de l’élève à une seule et unique cuisine. Maintenant, ce style d’enseignement en vigueur est plus en adéquation avec tous les types de restaurations présents dans notre société.

– Et quid des rapports enseignants/élèves ?

Sans paraître comme étant d’une autre époque (rires), ces relations ont bien changé à présent ! Les rapports adultes/jeunes ne sont plus les mêmes qu’avant. J’ai l’impression que l’on demande davantage d’autonomie aux élèves, que l’on se veut plus exigeant par rapport à leur savoir-être alors qu’ils semblent peu préoccupés par ce qui va les attendre dans quelques mois, dans le monde du travail ! Je pense par exemples à leur tenue, à leur façon d’être, souvent en décalage par rapport aux exigences liées au métier !

– Quelles ont été les difficultés rencontrées au cours de cette nouvelle expérience professionnelle ?

Il m’a été difficile de me remettre dans le côté dit « scolaire », je veux dire par là qu’il a fallu faire la part des choses entre mes besoins professionnels et ceux que l’Éducation nationale attend des élèves. Me retrouver face à un groupe d’une dizaine de lycéens et leur faire partager un savoir, une passion n’a pas été une chose évidente ! Il a fallu que j’accepte de me remettre en question (la manière de diriger une cuisine, mon phrasé, les termes culinaires employés, etc.). Par ailleurs, il a fallu également s’adapter au cadre pédagogique (la préparation des cours, les synthèses, les évaluations, etc.). Pour m’intégrer au mieux, j’ai été très bien accueilli et épaulé par tous mes collègues de la Restauration !

– Quels sont les « bénéfices » liés à votre situation professionnelle actuelle originale « à cheval » sur deux emplois ?

À travers cette expérience, je me donne les moyens de me rendre compte de ce qu’il se passe à la source, c’est-à-dire lors de l’apprentissage ! Cela me permet d’avoir un autre regard sur mes pratiques professionnelles, en planifiant autrement mon travail. J’ai ainsi l’occasion d’être plus à l’écoute et de voir différemment certains aspects du métier. Je ne peux pas cacher que cette expérience est un peu « excitante », dans le sens où il s’agit d’une remise en question de soi. Voir si l’on est capable d’évoluer est quelque chose d’intéressant ! Je me suis rendu compte qu’enseigner était une activité nécessitant beaucoup d’énergie, de temps, de patience et d’humilité !

– Y a-t-il des chances de vous revoir parmi nous l’an prochain ?

Cette nouvelle expérience professionnelle s’est révélée très enrichissante, malgré les difficultés déjà évoquées plus haut. Il a fallu se montrer résistant, physiquement ! Pour le moment, l’inconnu demeure puisqu’il est encore trop tôt pour penser à l’année prochaine !

Un grand merci à vous d’avoir gentiment accepté de nous donner un peu de votre temps précieux !

Interview préparée et recueillie par Jean-Raphaël Weber

© Entretien paru dans le journal MMD – numéro 14 d’avril 2014 –

avec l’aimable autorisation d’Olivier Pichelin –

Merci à Laurence Banck du CDI pour ses recherches dans les archives !

Le traditionnel dîner caritatif de l’Amicale des Personnels du Lycée Darche s’était déroulé le mardi 12 mars dernier, placé cette année sous le thème de James Bond et du cinéma. À la fin du repas, les 46 participants avaient pu se délecter d’un délicieux dessert gourmand imaginé et concocté spécialement pour l’occasion par le chef Olivier Pichelin. Ce dernier nous en avait d’ailleurs livré sa description et sa composition…

« À gauche sur l’assiette et un peu en retrait, nous avons un cup cake framboise rehaussé d’une framboise avec une étoile star d’Hollywood.

Sur le côté à droite, c’est une petite verrine en style « cornet de pop-corn » caramélisés avec la base en pâte brisée sucrée. À l’intérieur, il y a une mousse au caramel. Au-dessus des pop-corn caramélisés. La couleur rouge est un fondant à base de sucre glace, de blanc d’œuf et de citron coloré avec du colorant artificiel pour rendre le côté rouge assez « pétant ».

Au centre et au premier plan, c’est une petite chouquette chocolat avec une quenelle de crème montée, surmontée d’un disque de chocolat en forme de bobine de film.

Et le fond de l’assiette est garni d’un dessin de pellicule cinématographique. »

Mesdames et Messieurs,

Aujourd’hui, nous nous réunissons pour rendre hommage à une personne exceptionnelle, un pilier de notre institution culinaire, notre cher professeur de cuisine, Olivier, affectueusement surnommé « Kaporal ».

Quand je pense à Olivier, plusieurs images me viennent en tête. Je le vois grand, imposant, avec sa stature qui commande le respect, mais aussi avec un sourire malicieux et des éclats de rire contagieux. Il est rare de rencontrer quelqu’un qui allie avec autant de finesse la rigueur professionnelle et un sens de l’humour aussi affûté que ses couteaux.

Kaporal, ce surnom est à la fois une marque de respect et d’affection. En tant que chef, il a su guider ses élèves avec une main ferme mais bienveillante, les menant toujours vers l’excellence. Mais il a aussi su leur montrer que la cuisine est avant tout une passion, un art qui se partage avec joie et légèreté.

Ses blagues en plein cours, ses anecdotes truculentes sur les grandes toques qu’il a côtoyées, et ses conseils avisés resteront gravés dans nos mémoires. Olivier a toujours eu ce don de rendre chaque leçon vivante, chaque technique accessible, et chaque journée en cuisine une véritable aventure.

Aujourd’hui, alors qu’il nous quitte pour de nouvelles aventures, nous ressentons une profonde gratitude pour tout ce qu’il a apporté. Ses enseignements ne se limitent pas aux recettes et aux techniques culinaires ; il nous a appris la valeur du travail bien fait, le goût de l’effort et surtout, l’importance de rester soi-même, même dans un univers aussi exigeant que celui de la cuisine.

Olivier, Kaporal, nous te remercions pour ton dévouement, ta passion et ton humour. Ton empreinte restera à jamais dans ces cuisines et dans nos cœurs. Nous te souhaitons le meilleur pour l’avenir et espérons que tu continueras à inspirer et à faire rire ceux que tu rencontreras sur ta route.

Merci, Kaporal, et bon vent !

Avec toute notre affection et notre admiration.

Estelle Pazzaglia, le 4 juillet 2024

Mise en page et visuels par Jean-Raphaël Weber