Portraits croisés : que sont-ils devenus ?

Le 29 janvier dernier en fin d’après-midi, Estelle Pazzaglia avait réuni l’ensemble des futurs membres du jury d’hôtellerie appelés à évaluer les élèves de Terminale Bac Pro Hôtellerie, dans le cadre de leur CCF (contrôle en cours de formation). Cette année, parmi les nouveaux venus, six anciens élèves scolarisés ici entre les années 1990 et 2010… Une occasion rêvée pour s’enquérir auprès d’eux de ce qu’ils étaient devenus depuis ces temps d’ « insouciance lycéenne ».

Six témoignages intéressants sur leur carrière professionnelle, les différents métiers qu’ils exercent aujourd’hui, en lien avec le secteur hôtelier et leurs souvenirs liés à Darche. 

Six raisons de lire un article venant à point nommé pour illustrer les questions d’orientation qui se posent aux jeunes désirant se lancer dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration, comme un écho aux Portes ouvertes du 27 avril prochain.

 

ANCIENS COMBATTANTS

 

Karine Leroy

Karine Leroy – 46 ans – originaire de Commercy (Meuse) se souvient d’avoir été élève au Lycée Darche au cours des années 1992-1994… La voici aujourd’hui restaurant manager travaillant pour la compagnie Brittany Ferries ! Rien que ça ! Explications…

 

– Quel est votre parcours professionnel ?

D’abord, j’ai passé un CAP-BEP Cuisine et Services au Lycée Alain-Fournier de Verdun. Puis j’ai passé un CAP et un Bac Pro Cuisine et Services au Lycée Darche. Ensuite, j’ai travaillé trois ans et demi en Angleterre comme general assistant pour Mount Charlotte ; un gros groupe hôtelier de luxe hôtel-restaurant. Ensuite, j’ai travaillé quatre ans et demi sur le paquebot transatlantique britannique Queen Elizabeth 2 (QE2), en tant que chef de rang. Quelques années plus tard, j’ai été embauchée par la compagnie maritime française Brittany Ferries comme fille de salle et j’y ai rapidement évolué vers des postes de chef de rang puis de maître d’hôtel. Entre ces deux périodes, j’ai aussi ouvert mon restaurant à Verdun en tant que chef de cuisine, et en parallèle de mon activité à Brittany Ferries. À présent, j’ai revendu mon restaurant et j’exerce le métier de restaurant manager à Brittany Ferries et je suis sur le point de passer le concours pour devenir commissaire de bord.

– « Commissaire de bord » ! Qu’est-ce qu’un « commissaire de bord » ?

Un commissaire de bord, c’est le garant de la clientèle et du personnel, du bon fonctionnement des services à bord de chaque navire.

 

– Pourriez-vous développer ? De mon côté, je suis resté sur le « commissaire de base » dans l’armée de l’air, à l’époque où je faisais mon service militaire…

Le commissaire de bord supervise l’équipe chargée d’accueillir les passagers pour quelques heures à bord d’un ferry. Il informe sur les services offerts à bord et sur les activités proposées aux passagers. Il rappelle les consignes de sécurité à respecter. Il est également le responsable de la partie restauration, bar, des salles de restaurants, salon de thé… En fait, tout ce qui concerne le confort des passagers et de l’équipage lui incombe.

 

– En fait, c’est un poste de management

Oui, le commissaire de bord dirige en permanence une équipe de professionnels : hôtesses, garçons, cuisiniers, barmen… En cas d’urgence, il est responsable de la sécurité des passagers. Le métier implique donc un contact constant avec le public. Une pratique de plusieurs langues étrangères est indispensable. À bord du bateau, les horaires n’existent pas au sens propre. Nous travaillons sur une alternance de période de navigation et une période de congés. Sept jours de navigation alternant avec sept jours de congés.

Le poste de restaurant manager que j’occupe actuellement est similaire au poste de commissaire. En gros, je suis adjoint du commissaire de bord.

 

– Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à partir en Angleterre, après vos études ?

Lorque j’étais lycéenne, j’ai vraiment eu une mauvaise expérience avec l’anglais. J’avais un niveau très faible… Je désirais voyager et pour me permettre de le faire, le seul moyen que je connaissais, c’était de parler l’anglais, d’où l’idée de vouloir partir en Angleterre afin d’être capable de parler couramment la langue.

 

– N’est-ce pas trop difficile de « partir vers l’inconnu » lorsqu’on est jeune ?

Non. J’avais cette envie et je n’avais pas du tout la peur au ventre mais plutôt l’envie de voir comment cela pouvait se passer à l’étranger.

 

– Quels souvenirs gardez-vous du Lycée Darche, lorsque vous y étiez élève ?

Ayant été scolarisée avant dans un autre lycée, j’ai trouvé que les enseignants avaient davantage de considération pour nous. Nous allions en cours avec plaisir.

 

– Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui vont nous lire ?

Les métiers liés à la restauration exigent une passion. Il faut aimer ce domaine si l’on veut bien le faire. Ce sont de beaux métiers et s’ils choisissent bien leur branche – comme la navigation pour ma part – cela peut peut-être les pousser dans cette voie.

 

Guillaume Rotario

Guillaume Rotario a 36 ans et vient de Longlaville. Entre 1998 et 2002, il était élève au Lycée Darche pour y obtenir un CAP et un BEP puis un Bac Pro Cuisine…

 

– Quel est votre parcours professionnel ?

Dans le cadre de mes études au Lycée Darche, j’avais effectué un stage en entreprise au sein du restaurant La Table des Guillou à Schouweiler au Luxembourg, avec une étoile au guide Michelin. Après le Bac Pro, j’ai commencé à travailler dans cet établissement dès le 1er août ! J’y ai d’abord été commis de cuisine puis au bout d’un an environ, j’ai évolué comme chef de partie pour les entrées froides. J’ai eu la chance de travailler avec M. Pierrick Guillou qui a un peu été mon mentor ! Au cours de cette période, nous avons eu la chance d’obtenir une 2étoile au Michelin. J’ai donc connu le plaisir de travailler dans un restaurant doublement étoilé ! Cela a été une très belle expérience professionnelle.

En 2010, mes patrons ont revendu le restaurant à leur fille Katell et c’est à cette époque qu’on m’a proposé de devenir le chef de cuisine pour le restaurant Guillou Campagne ouvert en 2010, toujours à Schouweiler. On a décroché une étoile au guide Michelin en décembre 2016 !

Le logo du restaurant Guillou Campagne

 

– Quels souvenirs sont liés à Darche ?

Ceux d’une « grande famille », j’ai eu un grand plaisir à faire mes études ici ! J’ai connu Estelle Pazzaglia en tant que professeur de services en salle. Puis elle est passée Chef de travaux et je suis resté très proche d’elle. Aujourd’hui, par sa présence, elle est devenue une véritable amie, elle m’a toujours accompagné, un peu comme une grande sœur ! Un an après avoir quitté le lycée et sur sa demande, j’ai commencé à faire partie des jurys d’examen. Et plus tard, sur sa proposition, j’ai même été décoré de la médaille de l’enseignement technique, pour « bons et loyaux services » envers l’Éducation nationale !

La médaille de l’enseignement technique

 

– Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui vont nous lire ?

Ces métiers de la restauration sont très durs mais ils sont passionnants et il faut toujours aller dans le sens de l’évolution !

 

Anthony Peruca

Interviewé lui aussi, Anthony Peruca a 31 ans et vient d’Homécourt, près de Briey. Ancien élève du Lycée Darche entre 2004 et 2008, il y a passé un BEP et un Bac Pro Hôtellerie Restauration à dominante Cuisine… Il raconte son parcours…

 

Après l’obtention de mon Bac Pro, j’ai travaillé pendant un an au restaurant étoilé au Michelin : Toit pour Toi à Schouweiler au Luxembourg. Ensuite, j’ai exercé pendant un an à l’auberge Royale-Favaro également étoilée au Michelin, à Esch-sur-Alzette au Luxembourg. Après cela j’ai exercé pendant deux ans en tant que chef de cuisine au Rockhalcafe à Esch-Belval, au pied de la Rockhal. Ensuite, j’ai été cuisinier pendant une année dans une maison de retraite. C’est alors que j’ai ouvert – en tant que gérant chef cuisinier – le restaurant Melton’s à Longwy, avec mon amie Mélanie. Nous avons fermé au 1er janvier dernier, pour partir vers de « nouvelles aventures ». Le Melton’s a duré six ans, il occupait l’emplacement de l’ancienne Grignotière.

 

 

– Comment avez-vous trouvé vos deux premiers emplois dans ces restaurants étoilés de Schouweiler et d’Esch-sur-Alzette, finalement sans trop d’expérience professionnelle ?

J’y suis allé au culot ! À chaque fois, je suis venu avec mon CV et j’ai demandé à voir le patron.

 

– Beaucoup de gens ont été surpris et attristés par la fermeture du Melton’s. On pouvait y déguster des hamburgers qui étaient de vraies « tueries » ! Pour quelles raisons avez-vous décidé de fermer votre restaurant ?

Mélanie et moi avons tous les deux envie de voir autre chose. On a dans l’optique de voyager, de découvrir d’autres cultures, notamment au niveau du travail.

– Quels souvenirs gardez-vous du Lycée Darche ?

La bonne ambiance mais en même temps la rigueur au niveau des cours. Et puis les ambiances des soirées de Travaux Pratiques avec les chefs Ladaique, Lallemand et Bail.

 

– Des conseils à prodiguer à la jeunesse ?

Il ne faut pas se lancer dans ce métier de cuisinier à l’aveuglette ! Cuisinier est un métier qu’il faut choisir. Ce n’est pas un métier facile, bien au contraire ! De nos jours, malheureusement, il y a beaucoup de jeunes qui se lancent dans ce métier sans trop avoir réfléchi.

 

Jérémie Dal Prete

De son côté, Jérémie Dal Prete (31 ans) est originaire de Lunéville. Il a vécu par la suite à Lexy à quelques minutes de Longwy. Élève à Darche entre 2003 et 2008, il y a passé un BEP et un Bac Pro Services et Commercialisation. Il travaille depuis 2010 en tant que serveur à la pizzeria Stella Rosa à Soleuvre, au Luxembourg.

 

– Serveur en restauration est-il un métier difficile ?

Oui, du fait des horaires de travail en coupures ! Ainsi le matin, je commence mon service à 10h pour terminer à 14h30. Après, je fais une petite pause et lorsque je suis d’ouverture, je reviens au restaurant à 17h30 pour repréparer la salle. Après, cela dépend comment le service se déroule. Parfois, je peux partir vers 22h30, selon le service et le nombre de clients présents.

En ce qui concerne les horaires de fermeture ; je reprends le soir pour terminer. Il faut alors attendre que tous les clients soient partis et avoir tout nettoyé et rangé, sans oublier de compter la caisse… Cela me fait partir du restaurant vers 23h en semaine et entre minuit et une heure du matin au cours du week-end.

 

– Vous servez combien de couverts en moyenne par service ?

La pizzeria Stella Rosa de Soleuvre dispose de deux salles de restaurant. La première salle peut accueillir 80 places qu’on renouvelle parfois assez régulièrement pendant les services. La seconde salle se trouve plus bas ; on l’a rénovée et elle contient une trentaine de places. On la privilégie généralement pour les banquets.

– Comment êtes-vous devenu membre du jury pour le Bac Pro ?

C’est tout simple, un soir, Mme Pazzaglia est venue dîner au restaurant et elle m’a demandé si je souhaitais devenir membre de jury pour les examens au Lycée Darche. Connaissant un peu le lycée, j’ai accepté en estimant qu’il s’agirait d’une expérience intéressante.

 

– Et les souvenirs liés aux « années Darche » ?

Je me souviens bien des stages pratiqués en entreprises, comme au Luxembourg où j’ai effectué tous mes stages (en particulier le Sheraton à Senningerberg, un établissement à travers lequel je suis vraiment « entré » dans le métier). Et puis il y a eu aussi un voyage de fin d’année avec ma classe, en Espagne avec des arrêts à Barcelone et à Malaga avec M. François André, avec les visites des caves et les bodega… De très bons souvenirs !

 

– Que conseiller aux jeunes qui désireraient faire le métier de serveur ?

Je voudrais leur dire que le métier de serveur est un très beau métier qui exige d’être très motivé et de garder toujours le sourire. Il nécessite d’avoir un bon contact avec les clients.

 

Kevin Meurisse

Kevin Meurisse est un autre ancien élève du Lycée Darche, originaire de Mexy, à côté de Longwy. Il va bientôt avoir 30 ans et il fait partie de la même promotion que celle de Jérémie Dal Prete et Anthony Peruca. De mémoire, il dit avoir dû sortir du Lycée Darche en 2008 mais il a « l’impression que c’était hier » (rires).

 

– Quel est ton parcours professionnel ?

Après l’obtention du BEP et du Bac Pro Hôtellerie-Restauration, j’ai travaillé pendant les grandes vacances avec mon père à l’usine et début septembre, j’ai commencé à Longwy Bas au restaurant Christony. J’y ai travaillé approximativement six années pour traverser ensuite la frontière et voir du côté du Luxembourg, afin de changer de contexte. J’ai donc trouvé du travail à Peppange (une petite commune située à côté de Bettembourg) dans une pizzeria du nom de San Marino. Je rentre à présent dans ma 5année d’exercice dans cet établissement.

– As-tu des souvenirs relatifs à tes années d’études au Lycée Darche ?

Oui, j’en ai énormément ! Ils sont tous liés aux restaurants du Petit Vauban et des Anthocyanes, par la suite. À cette époque se sont créés des liens d’amitié, notamment avec Jérémie Dal Prete, d’ailleurs présent ici ce soir. Avec le recul, je me rends compte qu’il y avait une bonne ambiance au lycée. On s’occupait du bar, on faisait les découpes des fromages, des choses vraiment intéressantes. On apprenait toutes les techniques avec les clients (flambage de fruits, carré d’agneau à découper, etc.).

 

– Et as-tu des conseils pour nos jeunes ?

La restauration est un beau métier où l’on apprend beaucoup de choses intéressantes. Grâce au contact clientèle, on rencontre des personnes vraiment super.

 

Jérémy Dias

Jérémy Dias a 28 ans, né à Mont-Saint-Martin et originaire de Haucourt-Moulaine. Au Lycée Darche de 2006 à 2010, il en est sorti avec en poche le Bac Pro Hôtellerie et Services et commercialisation.

 

– Quel parcours professionnel avez-vous eu ?

J’ai commencé mes premiers stages en entreprises aux Délices de Bacchus à Mexy. Ensuite, je suis allé à Val Thorens en Savoie, au restaurant pizzeria La Grange. Plus tard, moi aussi j’ai continué à la Table des Guillou à Schouweiler et enfin, j’ai travaillé au Toit pour Toi en tant que serveur.

Après le Bac Pro, je suis passé sommelier pendant huit ans au restaurant Guillou Campagne.

Après cette expérience, j’ai fait un an au bistrot-restaurant luxembourgeois Bache Jang à Differdange, près de Lasauvage. Il s’agit d’un restaurant tenu par la même famille depuis 1883 ! Et à présent, je travaille depuis un an en tant que directeur de la brasserie St Andrews située au centre commercial Auchan Pôle Europe à Mont-Saint-Martin.

– « Directeur de brasserie » ! Ça consiste en quoi ?

À travers cette fonction, d’une part je dois m’occuper de tout ce qui relève des commandes de boissons, en relation avec la salle et aussi un peu avec la cuisine. D’autre part, je m’occupe du management ; je forme les nouveaux serveurs ou stagiaires qui arrivent chez nous et enfin, je gère toute la partie comptabilité de la brasserie.

 

– Et comment fait-on pour devenir « directeur de brasserie » ?

Je pense qu’à la base, il faut avoir confiance en soi et travailler. Il faut parvenir à gérer son stress, être capable d’atteindre les objectifs fixés par ses supérieurs et faire face aux problèmes qui peuvent survenir et s’investir énormément dans son travail.

 

– Quels souvenirs gardez-vous de vos « années lycée » passées à Darche ?

Je n’ai que des bons souvenirs, des amitiés, des belles rencontres, des voyages, des « extras » comme la Nuit des Étoilés à Thionville, des choses « pas données à tout le monde » comme la formidable visite du marché de Rungis et aussi un voyage en Champagne pour y visiter les grandes maisons de vins de champagne… Les stages à Val Thorens, la course des garçons de café organisée sur la place Darche et gagnée une fois en 2008 ou 2009, je ne me souviens plus très bien…

Je me souviens également des courses à pied organisées pour l’association ELA, dans les remparts de Vauban et à deux pas du lycée… une course dans laquelle nous avions couru ensemble, et que j’avais remportée… je vous avais même battu (rires) !

 

– Je ne me souviens pas précisément de cet « épisode » mais il est vrai que cette course à pied avait lieu sur un très beau parcours dont une partie du tracé a été reprise depuis deux ans par les organisateurs du Trail Urbain de Longwy qui a lieu en septembre.

 

– Pour finir cet entretien, que conseilleriez-vous aux jeunes ?

Travailler, persévérer, être honnête et se fixer des objectifs à atteindre. Il faut toujours essayer d’évoluer et ne pas stagner !

 

Un très grand merci aux six anciens élèves d’avoir bien voulu témoigner de leurs différents parcours depuis la sortie du Lycée Darche et le meilleur à eux pour la suite !

 

 

Interviews préparées, propos recueillis

le 29 janvier 2019

 documentation et mise en page

 par Jean-Raphaël Weber

Merci à Fred A pour le photo-montage du bandeau visuel :))